AUTOPORTRAIT D’ARTISTE

Dans cette aquarelle, le large chapeau domine la face du visage. Le dessin propose au spectateur une image de soi en lien avec un souvenir personnel : le chapeau est un cadeau du fils lorsqu’il était domicilié à Santa-Barbara, en Californie. Le visage reflète la douceur d’une mère, le dévouement artistique et la quête de l’épanouissement ainsi que l’ambivalence que cet engagement suppose.
La couleur noire, les couleurs chaudes du chapeau, du visage et du vêtement ainsi que les formes, soulignent la conscience de sa propre valeur.
L’artiste cherche à faire vibrer l’observateur pour qu’il entre dans une dimension artistique authentique, appréhende l’œuvre dans son intégralité, jongle avec l’inconscient : sortir des clichés, comme croire que dans le fait de se dissimuler, la première intention d’une femme est la coquetterie ou qu’elle se définit à travers un accessoire, que la peinture est une distraction parmi d’autres ou encore que son unique intérêt est de plaire. Par son caractère structuré, l’observatrice reconnaîtra son côté masculin et l’observateur son côté féminin.
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Réflexion sur l’autoportrait dans la peinture
Dans mon parcours de peintre, j’ai fait l’expérience que ma profession artistique était souvent définie par mon statut social plutôt qu’à une activité professionnelle : « une femme qui a le temps de peindre est privilégiée pour une cause ou une autre ». « Une artiste peintre qui fixe des prix élevés — et vend les œuvres — est culottée (porter la culotte = commander) ». « Une peintre qui a du succès a de la chance – et non du talent ».
Loin du miroir de l’évolution historique dans le contexte de création des artistes femmes, le portrait de l’image de soi n’est plus seulement une histoire individuelle. Il porte une réflexion sur un débat holistique dans lequel l’art, la culture, la politique, l’histoire et l’économie jouent des rôles transversaux déterminants. Les thématiques féminines, principalement l’autoportrait, expriment autre chose que leurs besoins de reconnaissance à travers l’angoisse, le doute ou même le besoin d’être soutenues en tant que sexe faible. Depuis les années 70, de nombreuses femmes refusent de plus en plus d’être reconnues publiquement selon des critères stylistiques déterminés et suivent leur propre chemin.
Encore au début du 21ᵉ siècle, l’autoportrait des artistes femmes était perçu comme une revendication pour leur présence au monde. Il était analysé sous une tendance plus sociologique qu’artistique. L’effort fourni par l’artiste devait correspondre à sa manière de s’adapter dans un environnement masculin, ce qui lui permettait d’accéder à la reconnaissance professionnelle, un peu comme dans l’histoire du cinéma. Mais, dans tous les domaines du monde du travail et à chaque époque, des hommes et femmes ont cherché des formes légitimes de s’affirmer face à des pouvoirs confus et discriminants. L’analyse artistique moderne nécessite une explication multifactorielle des œuvres.